Les coffres de l'ADAR piégés

Criquet faisait la tournée des salles de la bibliothèque au petit matin, comme c'était son habitude. Il vérifiait que les chaises étaient bien remises à leurs places, que les livres ne traînaient pas sur la table ou sur le sol...
Justement ! En voilà un... Sous là table, ouvert et empoussiéré.

Criquet se mit à quatre pattes pour venir étirer les bras vers l'ouvrage et le ramener vers lui. C'était le premier qu'il trouvait ce matin. "Théorie sur les flux magiques..." Le titre ne lui disait rien, mais il parcourut tout de même avec curiosité les lignes que le hasard lui avait mis sous les yeux. Dans un soupir d'incompréhension, le jeune garçon souffla sur le papier, la poussière s'envolant vivement, puis referma le livre dans un bruit sonore.

Il venait de finir d'apprendre à lire et à écrire correctement. Dame Teleus lui avait donné quelques cours en échange de ses services. Tous les jours, à l'aube, avant qu'elle n'arrive, il mettait tout en place pour donner un peu d'ordre. Et il ramenait tous les livres qu'il trouvait aux coffres à l'entrée. Il ne savait pas trop comment les ranger et Dame Teleus lui avait conseillé de les lui déposer dans ces contenants. Elle aimait ranger elle même les grimoires... Et puis, à chaque fois, au fond du coffre, il trouvait toujours quelques friandises, ou une petite bourse que Dame Teleus avait entreposé là la veille pour le remeldicier par avance de son travail du matin.

Qu'il se sentait important avec le trousseau de clé dont seul lui avait le double ! Et qu'il appréciait ce petit travail ! Avec ce qu'il en tirait, il pouvait offrir quelques présents à ses parents, et l'éducation qui lui avait été prodiguée par la Dame lui permettait d'aider ses aînés à maintenir correctement les archives de leur commerce. Car son père et son frère étaient poissonniers, et sa mère et ses soeurs épicières.

Comme tous les matins, il remontait les marches du sous-sol avec quelques livres dans les mains, guilleret. Il trouverait certainement au fond du coffre à livres une grosse part de gâteau, ou quelques pièce ! Avec les économies qu'il faisait grâce à cela, il pourrait sûrement offrir un bijou à celle dont il aimerait devenir l'aspellor... Lyliana... Il n'avait jamais osé lui parler, mais il l'avait vue à plusieurs reprises en compagnie de Dame Teleus. Il l'avait surprise à dire à sa mère adoptive des mots tendres et timides, elle que l'on croyait muette. Sa voix l'avait touché au plus profond de son coeur, et depuis, il ne pensait plus qu'à elle. Tant et si bien que ses parents le rabrouaient au travail, en lui disant qu'ils le trouvaient trop rêveur depuis quelques temps.

Arrivé au Rez de Chaussée, Criquet murmura une dernière fois son nom.

Lyliana...

Le visage souriant emprunt du souvenir de la fillette, il s'agenouilla devant le coffre à livres, les manuels trouvés pressés contre son coeur comme s'il s'agissait de Lyliana elle-même. Quand il mit la clé dans la serrure, il entendit un petit déclic.

Malheureusement, ou heureuseuement, il n'eut pas le temps de réaliser que la première déflagration qui venait de lui vriller les tympans était le résultat d'un piège qu'on avait placé sur le coffre. Aussitôt après le premier effroyable bruit, s'en suivit un deuxième. L'explosion du premier coffre avait provoqué celle du deuxième, qui se trouvait juste à côté.

Kiara arriva sur ces entrefaits, horrifiée en constant ce qui venait d'arriver. Des lambeaux de chairs et de sang avaient éclaté dans toute la salle d'entrée.

Criquet allait fêter ses seize ans.